LE LIEU

À l’invitation de la Chaire de recherche « Dramaturgie sonore au théâtre » de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), le Musée (du théâtre) a ouvert ses portes du 7 au 9 septembre dernier, au sein de cette Université dans le studio théâtre du Pavillon des Arts.

Cet événement s’est inscrit dans le cadre de l’Entre-deux du festival ManiganSes, festival de Marionnettes et de manipulations dont la direction artistique a été confiée cette année à Jean-Paul Quéinnec, professeur titulaire de la Chaire. Il a bénéficié d’un partenariat institutionnel avec le Pari sur l’Imaginaire, festival d’exposition des travaux des étudiants en arts qui bénéficie d’une forte affluence des professionnels de la région et du public. Le Musée a été ouvert au public durant les 3 jours de 14h à 19h. Avec ce projet nous avons invité le public à des manipulations de mots, d’images et de sons dans un dispositif inspiré de Hamlet Machine de Heiner Müller.

DISTRIBUTION

Conception : Clyde Chabot
Scénographie : Annabel Vergne, Gilone Brun
Photographie : Alizée Tallaron
Assistante à la mise en scène : Anne-Sophie Juvénal

PERFORMANCE

Eric Létourneau et Carol Dallaire ont été invités à proposer des performances à l’intérieur du dispositif sur le théme de la  manipulation à partir des matériaux textuels et sonores de l’installation, notamment l’enregistrement du texte Hamlet-machine.

Eric Létourneau, compositeur et artiste extradisciplinaire a proposé une « décréation sonore, textuelle et musicale de la pièce de Müller à travers différentes « installactions » cinétiques ou stationnaires et une rencontre avec les traces des mises en scènes antérieures du texte par Clyde Chabot.

Il a invité l’acteur Patrice Leblanc a intervenir dans sa performance comme son double possible. Apportant sur le plateau, différents objets insolites, notamment un aquarium à moitié rempli d’eau dans lequel la diffusion de la voix de Hamlet créait des projections aquatiques sur la vitre, reflet de la rage de ce héros désespéré et celle d’Ophélie créait une émotion particulière du fait de son engloutissement dans l’eau faisant écho à son suicide. La performance a ensuite pris une tournure plus politique et subversive : à partir d’une application de son I-phone, Eric Létourneau nous a montré comment il était possible de pirater facilement une station radio de son choix en en changeant le programme ou d’écouter les conversations de la police des différentes villes du Canada et de les considérer comme un matériau sonore parmi d’autres.

Cinq ou six mouvements qui ne changeront sans doute rien à la rotation de la Terre : Carol Dallaire, artiste interdisciplinaire d’une soixantaine d’années, s’est impliqué très personnellement dans le projet, dans un processus de reconnaissance dans la figure de Hamlet-machine. Ce mouvement a donné lieu à des productions picturales et sonores qu’il a envoyées à Clyde Chabot à partir du mois de mai. Quelques séances de répétition à Chicoutimi ont permis une rencontre artistique plus précise et une intégration organique de sa proposition dans notre dispositif. La diffusion de dessins colorés ou sombres réalisés en écho à la pièce de Heiner Müller et intégrant des fragments du texte intégrait des extraits de la pièce enregistrée sur place avec les acteurs québécois. Carol Dallaire jouait par ailleurs à la guitare avant de s’en détacher pour feuilleter sous l’œil de la caméra vidéoprojeté des photos d’archives de l’histoire du Québec – et de son désir d’autonomie en Octobre 1973 – et plus largement de l’histoire du monde. Le discours du Front de libération du Québec de l’époque, diffusé avec un subtil ralentissement, dans un mixage avec des fragments de la pièce de Müller, semblait dire avec nostalgie l’épuisement de ce moment historique du Québec qui reste poutant vif dans la mémoire des québécois. Clyde Chabot a proposé une présence féminine dans l’espace, devenant possiblement une incarnation de la figure féminine de la pièce Ophélie-Electre.

L’ensemble des photographies réalisées durant les 3 jours d’ouverture a été diffusée sous forme de diaporama vidéo-projeté le dernier soir, en présence de Jean-Paul Quéinnec, concepteur de cette édition de l’Entre-deux et de Clyde Chabot, conceptrice de l’installation. Cette projection a été suivie d’une analyse par Jean-Paul Quéinnec, exprimant l’intérêt de cette démarche pour lui, soulignant les multiples possibilités de jeu qu’elle offre et l’énigme conservée par chaque personne réalisant son autoportrait. Clyde Chabot a distingué trois types d’autoportraits, ces derniers pouvant témoigner d’une sensibilité personnelle, d’un rapport au Québec ou à l’état du monde. Ces analyses se sont poursuivies par un échange avec le public.